Semaine 9, transgressions... | |
Lundi 4 juillet 2005, 13 saratan 1384. Chaque carrefour, chaque lieu de passage rassemble une foule de colporteurs aux fonctions les plus variées :
cigarettes, chewing gum, boissons fraîches, cartes téléphoniques, journaux, toutes denrées immédiatement disponibles pour peu qu'un quidam
ait soupçonné que vous en ayez besoin...
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Mardi 5 juillet 2005,14 saratan 1384. Depuis mon arrivée, le bazar de Kaboul est resté un lieu mythique, dont on parle sans
pouvoir le visiter. La 'sécurité' déconseille formellement de s'y aventurer... Et pour une femme seule, c'est carrément interdit.
Mais bon, il me faut absolument quelques tissus pour me faire tailler des tuniques appropriées à la saison et à la bienséance.
"Tu as l'impression de transgresser ?", me demande Michel, alors que nous y sommes (perdus ?) depuis déjà deux heures... Il n'est pas toujours facile de se faire indiquer ce que l'on cherche... Mais tout le monde veut nous aider, tout le monde a l'air ravi de nous voir là, où l'on ne voit plus d'étrangers ces derniers temps ! Plus tard, nous philosophons sur ces zones de frictions... et je me rappelle un incident qui a eu lieu il y a une semaine. Souvenez-vous, j'étais allée au zoo avec Kabir et Souleiman. Le soir, toute la famille voulait savoir ce que j'en pensais, et je me suis poliment extasiée, rajoutant en guise de conclusion : "... mais les plus beaux animaux que j'ai vus au zoo étaient Kabir et Souleiman...!" Il y a eu un blanc... ils sont passés à autre chose comme s'ils n'avaient rien entendu... j'avais touché là du doigt une incompatibilité culturelle : je les ai gravement vexés plutôt que de les égayer... |
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Mercredi 6 juillet 2005, 15 saratan 1384. Les transports en commun sont toujours bondés... et je n'ai pas encore osé m'y aventurer. D'ailleurs, nulle part on
ne trouve la moindre indication des parcours ou des arrêts ; l'initiation se fait par copinage, par parentage, ou par hasard...
Le soir, autour d'un gigot haricots beurres préparé à la française (pour changer du pourtant délicieux pilaw qabouli), j'ai fait connaissance de Mezhgan ('les cils', en dari), qui sera ma prochaine interviewée. A l'heure de la raccompagner chez elle, il n'y avait plus que moi pour conduire la voiture en toute sécurité... et j'ai donc fait mon baptême du volant à Kaboul ! Yeah ! |
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Jeudi 7 juillet 2005, 16 saratan 1384. Les enfants doivent être en vacances en ce moment... Entre nos fenêtres et le versant de la montagne, à quelques centaines
de mètres, il y a tous les jours des dizaines de petits carrés multicolores qui frémissent ou virevoltent dans le vent incessant... Les cerfs-volants sont de sortie !
En cours de journée arrivent par internet des nouvelles d'Europe... Londres a été touchée par de graves attentats terroristes. Le soir, dîner chez une ONG voisine, Solidarité Afghanistan Belgique, où nous partageons quelques discussions épiques sur l'égalité (entre idéalisme et cynisme, question : les Afghans ont-ils droit à des minima sociaux ?), la sécurité (entre prise de risque calculée et enfermement, question : les MSF reviendront-ils en Afghanistan ?) ou le financement des ONGs (entre militantisme et détournement, question : pourquoi le débat se focalise-t-il sur les ONGs alors que la principale ressource de l'économie afghane est un sujet tabou ?) |
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Vendredi 8 juillet 2005, 17 saratan 1384: Amélie propose d'aller voir Paghman, ancienne résidence d'été du souverain
au pied des montagnes aux neiges éternelles, à moins de trente kilomètres de la capitale - mais
néanmoins hors du périmètre de sécurité. Nous passons par le barrage posé un peu en amont de Kaboul, et dont le réservoir - qu'on a rarement vu aussi plein -
sert aux ébats nautiques de toute une jeunesse, exclusivement masculine, bien sûr... Amélie et moi en tremblons d'envie !
Et dans le creux de la combe sous le barrage, il y a le golf de Kaboul : neuf trous de terrain accidenté et vaguement vert, dont les 'greens' sont des
ronds en machefer...
Nous continuons vers la montagne, et découvrons ce qui reste des jardins à la française qu'avait imaginés le roi Amanullah, au début du vingtième siècle. Dans le village même de Paghman reste intact l'arc de triomphe d'Amanullah (je pense...), et les coins de verdure sont toujours pris d'assaut par les familles venues ici chercher un peu de fraîcheur : nous sommes restés coincés une demi-heure dans un véritable embouteillage, dont nous avons réussi à nous extraire pour pique-niquer cinq cents mètres plus loin, de l'autre côté du torrent, à l'ombre d'un vénérable noyer au milieu des blés. |
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Dimanche 10 juillet 2005, 19 saratan 1384, j'ai enfin réussi à terminer mon entretien avec Habibullah, qui m'a en outre présentée à
deux professeurs de l'université qui pourront être mes prochains interlocuteurs : l'un enseigne à l'école de chari'a, l'autre - une femme,
à la faculté de psychologie. Dans les deux cas, un traducteur me sera indispensable...
En fin d'après-midi, Michel revient en annonçant qu'il a remarqué dans le quartier une boutique de goudi parwan (littéralement 'poupée volante'). J'apprends aussi - mais ça n'a rien à voir - qu'un nouveau diagnostic déclare mon ordinateur portable définitivement HS, pour cause de carte-mère grillée. Le technicien local - mais également étudiant en médecine - qui a servi d'intermédiaire, ajoute que ce type de panne est dû aux variations de tension, et que certaines marques équipent leurs matériels de résistances spécialement destinées à les en protéger. Lesquelles ? Dell, Toshiba, Sony... mais pas Acer ni HP ou Compaq, malheureusement pour moi. La prochaine fois, je saurai ! |
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