Semaine 7, la vie kaboulie | |
Lundi 20 juin 2005, la communauté expatriée de Kaboul est ces jours-ci le théâtre d'un de ces petits drames dûs à son
fonctionnement en circuit fermé. Pendant que j'étais à Herat est arrivé le responsable d'une des ONG qui travaillent ici,
en l'occurrence ADSI, celle qui gère le Jardin des Femmes de Kaboul. Le contact entre Alban, qualifié de 'bellâtre de plage', et Michel,
qui est en charge ici depuis trois mois, a été rude. Les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés, et le premier (selon ce que
m'a raconté Michel, qui est ma seule source d'information sur les faits) manifeste un mode de fonctionnement et des idées dignes de l'époque coloniale.
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Mardi 21 juin 2005. "Nous avions rendez-vous ce matin ?" me demande Gérard Turmo en levant le nez de son ordi.
"Non, mais j'ai pensé pouvoir passer selon ce qui était prévu il y a trois semaines..." Il s'agit pour moi de prendre
contact avec les étudiants en Français pour disposer d'un ou plusieurs traducteurs... Avant de me présenter à
sa classe, Turmo doit régler une grave question d'éthique qui lui est soumise : les étudiants ont eu pour consigne
(durant son absence d'une semaine) de regarder un CD-ROM qui sera le support d'un prochain travail. L'objet du débat ?
"L'origine des espèces", un documentaire de vulgarisation scientifique sur l'évolution. Le sujet est grave... Les filles l'ont visionné ensemble, à l'abri
des regards des garçons... Les garçons n'ont pas osé jusqu'à maintenant. Et tous refusent de se plier à une
séance commune de projection si le professeur n'est pas parmi eux pour cautionner... L'âge moyen des jeunes ? Vingt à
vingt-deux ans...
Le soir, écoutant d'une oreille distraite les informations de RFI, que Michel suit régulièrement, j'apprends - avec près d'une semaine de décalage - que Florence et Hussein ont été libérés...! |
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Mercredi 22 juin 2005, quinze heures, Kabir est venu me chercher pour faire le tour du quartier : nous sommes montés au Bagh-e Bala,
le 'jardin d'en haut', à distance piétonne de l'Université, où les étudiants avaient l'habitude
de se retrouver après les cours. C'était le domaine de l'amir Abdurrahman, qui y avait implanté des vignobles et des roseraies
au milieu de bois de mélèzes, le tout maintenant dévasté.
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Jeudi 23 juin 2005, huit heures, me voilà devant les élèves du département de Français de la fac',
pour leur présenter 'Le principe d'Egalité et la nouvelle constitution'.
Ensuite, ils m'ont testée : "Madame, avez-vous étudié le Coran pour faire ce travail ?"... (Réponse : bien sûr, je me suis référée aux versets qui parlent d'égalité, et notamment le 49-13 qui cloture mon travail...) "Que pensez-vous des Américains qui conduisent à toute vitesse et qui renversent les gens sans s'en préoccuper ?" (Réponse : tous les Américains ne se comportent pas comme cela ; ceux qui sont à Kaboul ont peur... ce qui explique, mais n'excuse pas leur comportement). |
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Vendredi 24 juin 2005: Palwasha est arrivée de Herat ce matin, pour préparer un voyage aux Etats-Unis au mois d'août.
Elle doit prendre un visa pakistanais pour aller mercredi à Islamabad chercher son visa américain. Des contorsions administratives
qui ont un curieux air de déjà vu !
J'ai passé la journée avec elle et sa famille à Kaboul, qui habite un quartier d'immeubles de style communiste des années cinquante appelé Microrayon. Elles sont huit soeurs, soudées comme les doigts d'une seule main, leurs différents maris composant l'autre main, le tout dans un joyeux climat de pensionnat que vient à peine troubler l'éloignement de certaines (deux en Allemagne, une à Djallalabad). Et tout ce beau monde m'accueille comme une hôte de première importance, qui doit être reçue et traitée en conséquence. Ensuite nous avons dégusté une glace dans un bar de Chahr-e Now, en face du parc où sont exposées les photos de Yann Arthus Bertrand, "La terre vue du ciel". |
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L'après-midi, mes co-locataires et moi avons fait une descente au Centre culturel français, pour repérer les fonds de bibliothèque et nous inscrire sur les listes d'information pour les événements qu'il organise. C'était l'occasion aussi de constater l'air héberlué des Kaboulis qui se trouvent face à face avec Amélie, la seule femme probablement qui conduit à Kaboul... A l'heure du thé, les parents de Palwasha tenaient absolument à me rencontrer : son père est woloswal (sous-préfet ?) à Ghazni, mais il est venu spécialement passer quelques jours à Kaboul. Comme à Herat, chez l'oncle de Palwasha, j'ai reçu des protestations d'amitié du peuple afghan pour le peuple français... Il est difficile d'être française dans ces moments-là, parce qu'on a conscience du peu de cas que font les autorités de notre pays de la situation réelle que vivent les Afghans. |
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Dimanche 26 juin 2005, 5 saratan 1384 (il est temps que vous passiez au calendrier local): je suis à mi-parcours des trois mois que je me suis donnés
pour poser mes jalons... Aujourd'hui, j'ai rencontré Lucy, l'ancienne chercheuse d'AI, qui travaille maintenant à l'AREU (Afghanistan Research and Evaluation Unit).
J'ai eu les honneurs de leur fonds de bibliothèque, que je reviendrai piocher régulièrement. Et puis, Lucy m'apprends que le poste de 'Gender coordinator' chez eux pour lequel
j'ai posé ma candidature il y a au moins six mois n'est toujours pas pourvu, parce qu'ils tardent à définir leur stratégie.
Des nouvelles sont prévues sous un mois...
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